Peux-tu te présenter en quelques mots?
Je suis Pauline Scherer. Je suis sociologue intervenante, c'est-à-dire que je pratique la recherche action participative. Je m'intéresse aux inégalités alimentaires ainsi qu’aux questions d’accès à l’alimentation durable, et donc à la lutte contre la précarité alimentaire.
Est-ce que tu peux définir la recherche action?
La recherche action est une démarche de recherche qui vise autant à produire des connaissances que des pratiques sociales tout en faisant évoluer essentiellement ces pratiques; Elle est issue de disciplines différentes: les sciences humaines comme la sociologie mais aussi les sciences de l’éducation. Elle a aussi une vocation pour certains, et donc pour moi, de participer à une transformation sociale. L’idée pour laquelle je dis participative c’est qu'en fait on va travailler sur un sujet de recherche avec des personnes concernées par le sujet. Dans mon cas, on monte des dispositifs qui associent des habitants, des personnes, des chercheurs universitaires, des travailleurs associatifs ou sociaux sur le sujet des personnes qui vivent cette précarité alimentaire.
C’est important pour toi d’être en contact avec des personnes qui vivent ces problématiques?
Je dirais que c’est fondamental dans mon métier et dans ma pratique parce que l’idée c’est que les questions on se les pose ensemble et on les élabore ensemble.
Le titre de la conférence est “vers de nouvelles solidarités”, est ce que tu estimes qu’il y a d’anciennes solidarités?
Oui je pense, en tout cas sur la questions de l’alimentation, il y a une construction historique du dispositif d’aide alimentaire qui est aujourd’hui complètement prédominant. Comme je l’ai expliqué un peu avant qui est ancré, qui est très imbriqué avec le système alimentaire industriel. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a plein d’autres enjeux que juste donner des produits alimentaires à des gens. Derrière ça, il y a toute la question de la production qui se pose avec notamment celle du monde paysan et du monde agricole. Quand je dis vers des nouvelles solidarités alimentaires, c’est comment on pense cette question de l’alimentation à partir d’un territoire et de tous les enjeux qu’il y a autour. Ce sont des solidarités envers les consommateurs, rappelons que dans la chaîne alimentaire il y a beaucoup de travailleurs précaires, il y a donc aussi des solidarités envers les producteurs.
Est ce que tu as apprécié le contexte dans lequel tu as donné cette conférence qui est peu habituelle?
Oui j’ai énormément apprécié le lieu, j'étais aussi très contente de venir faire cette proposition aux CEMEA parce que pour moi les CEMEA justement c’est l’éducation populaire c’est vraiment des pratiques dont je me sens proche à travers la recherche action. En plus il faisait super beau donc c’était très agréable [rire]. Je préfère enfaite largement ce type de contexte plutôt que des choses plus institutionnelles parce que j’estime que mon boulot c’est surtout ça: diffuser largement les travaux qu’on peut faire à plein de gens différents.
Une dernière question, quand tu parles de recherche action tu parles de travailler avec les personnes qui sont dans ces problématiques là et avec d’autres chercheurs et chercheuses, est ce que tu penses que certaines personnes ont des croyances tellement fortes qu’elles se mettent en difficultés, elles ne se sentent pas bien par rapport à certaines thématiques et donc l'intérêt que tu aurais à travers la recherche ça serait d’y apporter des réponses plus scientifiques ?
Oui bien sur qu’il y a de l’échange de savoir c’est-à-dire qu’un des but de la recherche action participative c'est que les savoirs s’échangent. Mais en postulant quand même l'égalité des savoirs c’est-à-dire dire qu’un savoir d’expérience par exemple lié à une expérience de vie a autant de valeur que le savoir d’un chercheur universitaire qui travaille sur un sujet. Même si l’on est bien d’accord que ce ne sont pas les mêmes. A travers leurs croisements chacun va en tirer quelque chose et moi c’est un peu ça qui n’anime. Après ce n’est pas évident d’impliquer des personnes dans des recherches action, ça prend du temps, les vies des gens peuvent être compliquées. Je dis pas du tout que c’est facile à faire. Mais ce que je vois quand même c’est que sur les expériences que j’ai, il y a des gens qui ont eu envie, qui ont trouvé du sens à s’impliquer dans nos histoires et qui en ont vraiment bénéficié à la fois de rencontres mais aussi de nouvelles perceptions sur certains sujets. Je ne sais pas ce que ça fera dans leur vie mais voilà je pense que ça leur a apporté quelque chose, un autre éclairage peut-être.
Bien évidemment nous remercions Pauline Scherer pour ses réponses et la conférence qu'elle a pu tenir lors de cet évènement.